Plage d’Arone: le sous-marin Casablanca débarque des résistants et des armes

Origine de la source: 
Antoine Poletti
Section: 
Géoloc
Ville: 
Arona
Id: 
1 130
Personnes: 
Texte long: 

La nuit du 5 au 6 février 1943 et la nuit suivante, le sous-marin Casabianca met à terre sur plage de la baie d’Arone, deux autres membres de la mission Pearl Harbor : le sergent-major Michel Bozzi et le radio Chopitel. Ils débarquent avec 450 mitraillettes et 60 000 cartouches.

Latitude/Longitude: 
POINT (8.58083 42.2083)
Citations: 

5 et 6 février 1943. Sur la plage d’Arone

Après l’opération réussie à la mi-décembre, dans la baie de Chjuni, pas loin de là, Le 5 février 1943, le sous-marin Casabianca venant d’Alger est de retour. Le Commandant L’Herminier a raconté ce deuxième « toucher » en Corse dans son livre « Casabianca . Editions France-Empire.

« 5 février 1943. […]La nuit est obscure, le temps calme, la mer légèrement houleuse. L’heure du rendez-vous est passée. Mais nous n’apercevons point de signaux à terre. Qu’est-il arrivé ? le coin est-il brûlé ? comme celui de Cros-de-Cagnes ? A 400 mètres de terre, nous stoppons et mettons le youyou à l’eau. Asso et Cardot prennent les avirons, les agents (Bozzi * et Chopitel**) embarquent avec leurs postes clandestins.
« A 21 heures 10, après 40 minutes d’attente en surface, nous nous décidons à faire pousser notre embarcation. Elle se repliera à la moindre alerte. […] L’embarcation suivie aux jumelles paraît aborder sans difficulté à la plage toute proche. Nous attendons en vain son retour pendant près de deux heures.
« […] Nous ne recevons aucun signal par la lampe-torche et nous devons bien conclure que les quatre hommes se sont enfoncés dans l’intérieur avec le matériel, sans avoir rencontré  au débarquement l’équipe du Commandant de Saulle […] Puisque l’alerte n’a pas été donnée à terre, nos gens n’on point rencontré l’ennemi et nous espérons qu’ils pourront, comme leurs prédécesseurs l’on fait le 15 décembre dernier, gagner la complicité de quelques Patriotes.
« De toute façon, nous viendrons nous présenter à nouveau au même point de la plage la nuit prochaine, dans l’espoir de récupérer nos cinq manquants et de débarquer nos armes, si la mer se calme tout à fait. […]
« A 20 h. 30 le 6 février, nous  faisons surface par un calme plat. Toujours pas de signaux. Le rendez-vous semble définitivement manqué. Qu’importe ! La mer est trop belle pour que nous n’essayions pas d’en profiter pour débarquer nos armes et munitions et les dissimuler dans le maquis par nos seuls moyens. […] L’endroit, on pourra le désigner par des repères précis aux patriotes de l’île par radio d’Alger. […] Grâce à l’entrain endiablé de l’équipage, 450 mitraillettes et 60 000 cartouches sont transbordées dans les cinq canots pneumatiques, en vingt minutes.
L’opération de mise à terre et de dissimulation dans le maquis de ce chargement dure longtemps et fait courir le risque aux hommes à terre et au sous-marin qui dérive avec la houle qui s’est levée. Tous risquant aussi d’être repérés car il est déjà 5 heures du matin. Le retour s’avère difficile : tous les hommes sont récupérés mais deux embarcations sont perdues.
« Tout à coup, nous apercevons des éclats lumineux. Est-ce enfin Lasserre ? ou bien une patrouille ennemie ? Nous sommes convaincus que ce sont les nôtres. »

C’étaient bien « les siens ». Armes et munitions seront enlevées dans les heures qui suivent pour être distribuées aux patriotes. Mais les deux hommes, Asso et Cardot, chargés du convoyage ne pourront pas rejoindre le sous-marin à cause de l’état de la mer.

*Michel Bozzi dit « Bianchi » a été arrêté par les fascistes italiens à Ajaccio. Il a été fusillé à Bastia, le 30 août 1944.
** Chopitel dit « Tintin », porté disparu au cours d’une mission entre Ajaccio et Caldaniccia, dans les environs d’Ajaccio, une semaine avant la libération d’Ajaccio.

Arone. L’évacuation des armes débarquées par le Casabianca

Extrait du livre de Maurice Choury, « Tous bandits d’honneur » (Ed. Piazzola. 2011)

Les armes débarquées par le Casabianca le 6 février sont évacuées par les Résistants le lendemain. En 1943, la route qui mène aujourd’hui à Arone n’est qu’un sentier.

Arone est un site d'une exceptionnelle grandeur. L'arc pur d'une plage de sable fin descendant en pente douce se déploie sur plus d'un kilomètre à l'abri des montagnes. Exposée au midi, Arone jouit d'un climat incomparable. La vigne, l'oranger, le cédratier pourraient y apporter la richesse, mais  la plage est à plus de deux heures de marche de toute agglomération, et pour gravir les quatre cents mètres d'altitude où Piana est juchée, pas la moindre route: la contrée est désertique.

«Ché», Pascal Versini et Jean Alfonsi[1] (dit Rastulello) transportent les armes de nuit, à dos de mulets, par la montagne en direction du Salognu, vers un abri de bergers où ils les entreposent.

«Ché» redescend à la plage pour effacer toute trace du débarquement. La barque plate est toujours là, énorme pièce à conviction. Il entre dans l'eau jusqu'aux aisselles, l'attaque à coups de pioche et cache les débris dans le maquis.

Malheureusement, une caisse de cartouches qui a servi d'oreiller au commandant de Saulle au cours de la nuit est oubliée dans la bergerie de la plage. La compagnie ennemie qui patrouille le lendemain la découvre. Un berger, Antoine-François Spinosi, alerte les patriotes. La répartition des armes est accélérée. Piana, Ota, Marignana, Cristinacce reçoivent leurs dotations de mitraillettes. Jean Nicoli et André Giusti montent d'Ajaccio avec une camionnette à double fond et livrent tout un chargement d'armes aux groupes du Front National de Sainte-Marie-Sicché et Petreto-Bicchisano.

Pascal Versini sera arrêté en mars[2], et le dépôt d'armes saisi avant d'avoir été complètement réparti. Mais «Ché» et son fils Baptiste échapperont de nuit à l'encerclement ennemi, sauveront leurs armes et constitueront un maquis aux environs de Piana[3]

 

 


[1] Son homonyme Jean Alfonsi

[2] Condamné à 24 ans de réclusion et déporté

[3] Avec Rastulello, Antonarello, les frères Nesa, Xavier Bazziconi et Benoît Versini, ils échapperont une seconde fois à l'ennemi au cours de l'investissement de Cristinacce

La plage d’Arone
Le monument d'Arone
Monument d'Arone
datedebut: 
Vendredi, 5 Février, 1943