Pointe de Curza, plage de Saleccia: livraisons d'armes et de matériel par le Casablanca

Origine de la source: 
Antoine Poletti
Section: 
Géoloc
Ville: 
Saleccia
Id: 
1 140
Texte long: 

La nuit du 2 au 3 juillet et la nuit suivante, débarquement par le sous-marin Casabianca, sur la plage de Saleccia, de Paulin Colonna d’Istria avec 13 tonnes de matériel.

Les 30, 31 juillet et 1er août, débarquement de 20 tonnes de matériel par le sous-marin Casabianca. En récupérant les armes et les munitions débarquées, le 19 août suivant, Dominique Vincetti meurt face à l’ennemi.

Latitude/Longitude: 
POINT (9.19925 42.7249)
Citations: 

Le Casabianca, Saleccia 1 et 2 juillet 1943

Le 1er juillet avant l’aube, le Casabianca est en face de la plage de Saleccia mais il doit attendre la nuit pour effectuer le débarquement des 13 tonnes d’armes destinées aux patriotes. A bord, il y a, pour être débarqué, Paul Colonna d’Istria qui avait été embarqué deux semaines auparavant sur le sous-marin Sybil, à Travo, alors qu’il n’y était monté à bord que pour un entretien avec un responsable du S.O.E.

La nuit venue, l’équipage attend vainement que les patriotes chargés de la réception se manifestent depuis la plage. Aucun signal ne leur parvenant, les hommes commencent le transport des armes et munitions à terre. « Les hommes de la chaîne manipulaient les colis qui pesainet jusqu’à 35 kg le long des coursives glissantes, par les écoutilles jusqu’aux mains toutes prêtes d’une autre chaîne qui les transmettaient aux canots. Les hommes travaillaient rapidement, sans bruit, torse nu, suant comme des galériens.

En cette première nuit, huit tonnes sont débarquées et cachées dans le maquis. Colonna d’Istria reste à terre pour attendre jusqu’à la nuit suivante la suite de l’opération et en espérant l’arrivée des patriotes. A 3 h. 45, après ce premier débarquement, le sous-marin se met en plongée.

Vers 23 heures, en cette nuit du 2 au 3 juillet, il refait surface et achève de décharger à terre les cinq tonnes d’armes et de munitions qui resteront, avec les huit tonnes débarquées la veille, sous la garde de Colonna en attendant l’arrivée des patriotes.

Casabianca à Saleccia 31.07.1943

Echec dans l’anse de Gradella 30.07.1943

Rendez-vous avait été pris avec les patriotes pour un débarquement, le 30 juillet, dans l’anse de Gradella, à quelques km au nord de Porto. « Nous faisons surface à 22 h. 50 raconte le Commandant l’Herminier, et nous montons sur la passerelle, après avoir équilibré l’atmosphère de l’intérieur par les porte-voix. Le spectacle est hallucinant. La falaise se dresse à 400 mètres devant nous. Le Cap Seninu, le fond du golfe, la côte sud, par l’illusion de raccourcissement des distances la nuit, semblent nous étreindre. […] Les étoiles luisent. Dans l’obscurité, les petites plages qui nous environnent se détachent comme des ongles immaculés sur la symphonie noire et violette du ciel, de la terre et de la mer.

Dans l’axe de l’anse, à 200 mètres du bord de l’eau nous distinguons une maison de berger. C’est curieux ! Au lieu d’être en ruines comme elles le sont presque toutes, elle paraît avoir un toit. Les Italiens auraient-ils installé un petit poste dans ce coin ? […] Nous n’apercevons aucun signal de nos amis et ressentons un malaise étrange. […]

Les doris glissent sur l’eau sans bruit et poussent vers la terre. Ils ne sont pas à plus de dix mètres du bord quand éclate une fusillade nourrie venant de tous les points de l’horizon ; les balles de mitrailleuses claquent. Nous sommes encadrés, les gerbes jaillissent de tous les côtés, longues et courtes. Les balles sifflent. »

Finalement, le repli se fait sans que personne ne soit blessé, avec le matériel et les embarcations intacts. Mais il faut trouver un autre point de débarquement. Ce sera plus au nord, vers les Agriates, sur la plage de Saleccia déjà abordée au début juillet.

Saleccia 31.07.1943

Il n’y pas plus de comité d’accueil que la première fois début juillet. Ce sont donc les hommes d’équipage qui feront le débarquement des 20 tonnes d’armes et munitions. Un record mondial pour l’époque. En deux nuits –les nuits du 31 juillet au 1er août et la nuit suivante, tout est mis à terre et dissimulé pour attendre que les maquisards viennent récupérer la précieuse livraison venue d’Alger.  

Extraits du livre de Maurice Choury La Résistance en Corse -Tous bandits d’honneur - Éditions sociales (1968) - La Marge Edition (1988); Éditions Piazzola septembre (2011) - Pages 86 et 87

La première réception des armes du « Casa »

Six des nôtres sont là, de ceux qui savent tout risquer: Vincetti, Galletti, Colonna, Benedetti 1 Simi, Agostini. Il faut évacuer les armes sur Casta par un sentier unique. Il faut des hommes, des mulets.

Voici le Front National des Patriotes, voici le peuple de Corse à l'œuvre. Benedetti part en Balagne et ramène cinquante mulets qu'on disperse dans le maquis. Les paysans de Casta, une poignée d'hommes intrépides, guident les convois, offrent journellement une fournée de pain et un veau pour les équipes, dix décalitres d'avoine pour les mulets.

C'est l'enthousiasme. Dans la journée, on vaque ostensiblement aux affaires, les vieux s'emploient auprès des Italiens à connaître les heures et les itinéraires des patrouilles, les enfants font le guet, et chaque nuit les armes passent dans le sentier à deux cents mètres de l'ennemi.

Vincetti et Benedetti dirigent les convois. Colonna d'Istria et Simi surveillent la maisonnette, en bordure de la route où se trouve le dépôt destiné à la Balagne, la Casinca et Bastia. Galetti s'occupe du dépôt de Calamicorno, dans la montagne, réservé au Nebbio. Agostini a la charge du ravitaillement. Du 10 au 20 août, le trafic est intensifié, et à cette date il n'y a plus de matériel sur le rivage.

Et maintenant, il faut le répartir. Il faut des camions, il faut passer sur cette route infestée d'Italiens, d'Allemands, de policiers et coupée de barrages où tout véhicule est arrêté, inspecté. Les risques sont énormes. Simi trouve les camions pour la Balagne. Leoncini, de Penta, doit en trouver pour la Casinca. C'est tout simple: il pénètre de nuit avec Joseph Rossi, de Cervione dans l'usine de Folelli occupée par les Italiens et sort tranquillement le matin avec un camion. Il le charge à Casta en plein midi, alors que les Italiens sont à table, fait panne près du dépôt, repart à toute vitesse, sème en route à son insu les grignons 2 qui camouflent les armes et arrive tout de même à bon port.

Le 20 au soir, un autre camion arrive de Balagne avec Simi. Il est chargé dans la nuit, repart à l'aube avec Benedetti, retourne le soir même, est rechargé, repart avec Simi le 22, et atteint Regino sans accroc. Pendant ce temps, avec Pierre Orsoni. Jean Bagnoli Louis Vallecalle, etc., par des sentiers escarpés, le dépôt de Calamicorno s'écoule vers Lento et le Nebbio3.

  • 1. Un des responsables militaires de la Balagne, dit «Le Tigre» 
  • 2. Tourteau de marc d'olive
  • 3. Pages d'histoire de la Résistance corse

Texte de Simon Vinciguerra extrait du livre de Maurice Choury La Résistance en Corse -Tous bandits d’honneur - Éditions sociales (1968) - La Marge Edition (1988); Éditions Piazzola septembre (2011) - Pages 95-96

La réception des armes et munitions par les patriotes à Saleccia

Répression à Casta

Le 22 août, au soir, sur les 33 tonnes d'armes et de matériel débarqués par le Casabianca à la plage de Saleccia, il ne reste plus à Casta que le chargement d'un camion pour Bastia. Vincetti doit le conduire le lendemain.

Plus de deux cents patriotes ont participé à l'opération. Tous méritent des éloges pour leur conduite1. Mais pour détruire l'ouvrage d'une légion de héros, il suffit d'un seul scélérat.
Un traître est apparu. Depuis, il a expié.

Les armes de la Balagne sont entreposées à Regino, dans une savonnerie et un vieux pressoir à olives. Les responsables des villages sont avertis pour la répartition. Simi, Sartori, Alfonsi et Brignetti déplacent le dépôt de la savonnerie trop exposé.

A deux heures du matin, le village est enveloppé de carabiniers. Prévenus aussitôt, Simi et ses camarades se dégagent. Toutes les routes sont barrées. Sans perdre de temps, à pied, à travers le maquis, Simi court vers ses camarades restés aux environs de Casta. Trop tard: une nuée de carabiniers et de chemises noires s'est abattue sur la région. Le village de Casta est pris dans un véritable filet. Vincetti et Galletti sont surpris dans la maisonnette au bord de la route près du dernier dépôt, déjà presque vide.

Les deux hommes ouvrent le feu et tiennent l'ennemi en respect. Mais les munitions s'épuisent. Quelques cartouches encore. Nos camarades s'élancent. Vincetti s'écroule. Galletti passe, poursuivi par un feu d'enfer, et s'enfonce dans le maquis.

Notre Vincetti n'est plus; il est mort comme nous savions qu'il mourrait, après avoir épuisé son lot de grenades et semé la mort dans les rangs ennemis.

Casta est désert; il a subi la haine fasciste. Des maisons ont été défoncées bouleversées, incendiées. Vingt-trois habitants sont incarcérés; les autres ont pris le maquis.

  • 1. Antoine-François Castellani, de Santa-Riparata-di-Balagne, est tué le 10 août 1943. Antoine-Joseph Vescovali, de la même commune, meurt à Ville-di-Pietrabugno, au cours d'une mission de la Résistance. Robert Lapina, ouvrier antifasciste italien, volontaire de l'équipe de réception des armes, blessé par l'explosion d'une grenade, est arrêté le 23 août sur dénonciation d'un indicateur fasciste, torturé et fusillé. Son corps affreusement mutilé restera exposé toute une journée, «pour l'exemple», au pied de la vielle église de Rapale.
La plage de Saleccia
Stèle en hommage à Dominique Vincetti
Stèle en hommage à Dominique Vincetti
datedebut: 
Vendredi, 2 Juillet, 1943