Une double Occupation - Una doppia occupazione

En novembre 1942, la fiction d’une « zone libre » n’est plus. Pour répondre au débarquement allié au Maroc et en Algérie, Allemands et Italiens envahissent en effet tout le territoire soumis à l’autorité du maréchal Pétain. Les premières troupes italiennes débarquent à Bastia le 11 novembre, au moment même où les Bastiais, enfreignant les ordres de la préfecture, commémorent la victoire de 1918.

Pour autant, la Corse n’est pas annexée à l’Italie. Les lois de Vichy continuent de s’appliquer et la monnaie reste le franc.

Les troupes italiennes sont même appelées « troupes d’opérations » pour maintenir la fiction de la souveraineté française. Au total, elles vont comptabiliser vont comptabiliser 80.000 hommes pour une population de 220.000 habitants. 14.000 Allemands s’ajoutent à ce nombre à partir de juin 1943. Une telle densité d’occupants est exceptionnelle : pratiquement un pour deux habitants !

En avril 1943, la dissolution de la commission d’armistice italienne consacre le transfert du pouvoir réel à l’armée italienne. Les perquisitions et les arrestations de résistants par les troupes italiennes se multiplient. La politique répressive est portant censée être du ressort des autorités de Vichy, mais le préfet Balley multiplie en vain les protestations auprès des occupants.

Par ailleurs, le blocus britannique perturbe considérablement les liaisons maritimes. Certains navires, comme le Cap corse le 30 avril ou le général Bonaparte le 19 mai, sont envoyés par le fond par les Alliés. La Corse souffre d’un terrible isolement géographique pendant une grande partie de l’année 1943. La pénurie menace, d’autant que les troupes italiennes, mal approvisionnées, « vivent sur le pays ».

Malgré la répression, les Corses, en particulier les femmes de l’Île, dénoncent cette situation dramatique : c’est à Bastia qu’a lieu la plus importante des « manifestations de ménagères », le 22 mars 1943.

Actions contre les juifs conduites par les Italiens
A son arrivée en mars 1943, le général italien Magli demande au préfet la liste des résidents israélites en Corse. Il demande s'il existe dans l'île un camp de concentration qui leur soit destiné. Sur ce point, la réponse est négative. Le 10 mai, à Bastia, 3 commerçants juifs sont interpellés par les "Chemises noires", puis relâchés. Le 27, toujours à Bastia, les juifs âgés de 18 à 60 ans et de sexe masculin, sont arrêtés . L'ordre vient du commandement italien. Il est exécuté par les autorités françaises. Transférés à Asco, ils y sont gardés par des militaires italiens. Au total, 57 personnes, toutes du nord de la Corse, sont internées à Asco. C'est seulement le 9 août, à Ajaccio, que 5 commerçants juifs sont arrêtés et incarcérés à la prison de la Citadelle. Ils ne subissent pas d'interrogatoires et sont relâchés le jour même avec obligation de demeurer en résidence forcée à Ajaccio. Quand l'insurrection du 9 septembre éclate, les internés d'Asco retrouvent tous la liberté.
Il y a donc eu en Corse une politique particulière qui tient à plusieurs facteurs : l'absence d'un projet clair de la part des Italiens, leur ferme détermination de ne pas laisser les Allemands empiéter sur un terrain qu'ils considèrent comme étant exclusivement de leur compétence, et aussi l'absence de sentiments antisémites aussi bien chez le préfet Balley que dans la population corse.